Le guide ultime sur l’hypothèque légale au Québec
Par Maude Gauthier | Publié le 26 avr. 2023
Les entrepreneurs qui effectuent des travaux sur votre propriété disposent d’un recours puissant en cas de non-paiement: l’hypothèque légale. Cette hypothèque leur permet de protéger la valeur de leur travail. Actuellement, il est assez facile pour un entrepreneur d’inscrire une hypothèque légale, ce qui peut mener à des abus. L’hypothèque légale a des conséquences importantes pour les propriétaires d’habitations de tous types. Le processus de contestation est compliqué et coûteux.
Prenons l’exemple d’un couple qui fait poser de la céramique à son chalet. À leur arrivée, ils constatent que celle-ci a été placée dans le sens inverse de ce qu’ils avaient demandé. L’entrepreneur, qui ne veut pas recommencer le travail, peut demander son paiement quand même. Si le couple refuse de payer, il peut leur envoyer une mise en demeure et ensuite, inscrire une hypothèque légale de la construction sur leur chalet. Pour contester, le couple devrait le traîner devant les tribunaux. Puisqu’ils ont peur que cette solution leur coûte encore plus cher, ils décident de payer l’entrepreneur quand même et de tolérer leur céramique posée croche.
L’hypothèque légale n’est PAS un prêt hypothécaire
Une hypothèque légale est un droit qui permet à un créancier d’avoir une garantie sur votre bien immobilier en cas de non-paiement de votre dette ou facture. Elle est régie par le Code civil du Québec. Ce n’est ni un prêt hypothécaire, ni un frais de clôture associé à une vente immobilière. L’hypothèque légale a un rang privilégié, c’est-à-dire qu’elle passe avant les autres! Lorsque vous avez la malchance d’avoir une hypothèque légale, elle doit donc être remboursée avant votre prêt hypothécaire auprès de la banque.
Les 4 types d’hypothèque légale
Il existe plusieurs types d’hypothèques légales, qui varient selon le pays et le contexte juridique. En général, on crée une hypothèque légale lorsque vous êtes en défaut de paiement pour des services liés à une propriété immobilière, tels que des travaux de rénovation. En cas de non-paiement, le créancier peut demander la saisie du bien immobilier et sa vente aux enchères, entre autres, pour récupérer les sommes qui lui sont dues.
Au Québec, il existe plusieurs types d’hypothèques légales. Le gouvernement ou une personne morale de droit public comme une municipalité peut émettre une hypothèque légale de l’État. Si vous ne respectez pas les lois fiscales, l’État pourrait inscrire une hypothèque légale sur votre propriété. En somme, payez vos taxes!
L’hypothèque légale du syndicat des copropriétaires concerne uniquement les propriétaires de condo. Elle s’applique lorsque ces derniers ont des retards sur le paiement de leurs diverses charges communes, comme leurs cotisations au fonds de prévoyance et d’auto-assurance. Votre syndicat des copropriétaires peut alors inscrire ce type d’hypothèque sur la partie privative de votre condo.
Une hypothèque légale peut aussi être le résultat d’un jugement. Par exemple, un tribunal vous a condamné à verser des sommes d’argent à une autre personne. Vous avez décidé de n’en faire qu’à votre tête et de ne pas la payer. Le tribunal pourrait décider d’émettre une hypothèque légale sur votre propriété pour récupérer les sommes dues et dédommager la personne à qui vous devez de l’argent.
L’hypothèque légale de la construction
La plus connue, l’hypothèque légale de la construction permet aux entrepreneurs, aux sous-traitants et aux fournisseurs de matériaux qui ont travaillé sur une propriété d’enregistrer une telle créance. Les bénéficiaires de l’hypothèque légale sont les personnes qui ont participé à la construction ou la rénovation, dont les entrepreneurs, les travailleurs et les professionnels (architectes, ingénieurs, etc.). Ceux-ci disposent de 30 jours, suivant la fin de tous les travaux, pour faire publier une hypothèque légale au registre foncier et vous aviser de cette publication.
Par exemple, un entrepreneur en excavation, qui réalise ses travaux en début de chantier, calculerait ce 30 jours à partir de la date des tous derniers travaux du peintre. Bien qu’elle existe avant son inscription, l’hypothèque légale ne laisse pas de trace pendant ce temps. Cette faille met à risque tout acheteur de maison neuve ou récemment rénovée. La propriété que vous voulez acheter pourrait se retrouver grevée d’une hypothèque légale de la construction pour la dette du vendeur. Ce délai de 30 jours s’applique aussi en cas d’abandon des travaux.
Comment vérifier l’inscription d’une hypothèque légale sur votre propriété
Maintenant que je vous ai fait peur, comment pouvez-vous vous rassurer? En tant qu’acheteur d’une maison, vous ne voulez pas vous ramasser avec les dettes de l’ancien propriétaire! Si vous êtes en processus d’achat, vérifiez si une hypothèque est inscrite sur la propriété convoitée. Pour la modique somme de 1$, vous pouvez le vérifier directement auprès du Registre foncier du Québec. Ayez en main le numéro de lot associé à l’immeuble. Sachez aussi que lorsqu’une vente va de l’avant, le notaire procède à ce type de vérifications. Une fois soulagé par l’absence d’hypothèque légale sur la maison de vos rêves, vous devez tout de même obtenir un prêt hypothécaire. Pour trouver celui qui vous convient, comparez les offres hypothécaires des institutions financières.
Que faire si on vous menace d’une hypothèque légale?
Si vous êtes déjà propriétaire, vous devez être conscient des situations dans lesquelles une hypothèque légale pourrait être prise sur votre maison, car cela peut affecter votre capacité à vendre votre maison ou à emprunter sur sa valeur. En effet, l’hypothèque légale envoie un mauvais message. Elle a un effet plutôt rébarbatif sur les acheteurs potentiels, comme sur les prêteurs.
Lorsque vous êtes confronté à une situation qui pourrait entraîner la prise d’une hypothèque légale sur votre maison, il est important de prendre des mesures pour régler la situation avant qu’elle ne devienne plus grave. La première solution est évidemment de payer le créancier! Voici deux autres options que vous pouvez envisager.
Négocier un règlement avec la partie impliquée
Si vous avez des comptes impayés envers un entrepreneur, un travailleur ou une autre partie, vous pouvez essayer de négocier un règlement à l’amiable. Vous pouvez par exemple offrir un paiement partiel ou étaler le paiement sur une période plus longue. Cela peut aider à éviter la prise d’une hypothèque légale sur votre maison.
Obtenir des conseils juridiques ou recourir à la médiation
Si vous êtes confronté à une situation complexe, il peut être utile de consulter un avocat pour obtenir des conseils sur vos droits et les mesures que vous pouvez prendre pour régler le problème. De manière similaire, si vous ne parvenez pas à résoudre le différend avec la partie impliquée, vous pouvez envisager de faire appel à un médiateur pour tenter de trouver un compromis. Dans tous les cas, il est important d’agir rapidement et de prendre des mesures pour régler la situation avant qu’elle ne devienne plus grave.
Emprunter pour rembourser la dette
Avant de voir votre maison grevée d’une hypothèque légale, ce qui risque de refroidir tous les prêteurs, vous pouvez envisager d’emprunter de l’argent au meilleur taux d’intérêt pour rembourser la dette à l’entrepreneur qui a fait les travaux ou tout autre créancier. Par exemple, une marge de crédit hypothécaire peut vous aider à couvrir le coût de rénovations ou d’autres dépenses. Évidemment, vous devez avoir suffisamment d’équité dans votre maison pour le faire. Cela vous permettra de garder votre maison. Par contre, vous devrez éventuellement rembourser le prêt ou la marge en plus de votre hypothèque actuelle.
Comment contester une hypothèque légale?
L’hypothèque légale, lorsque son détenteur ou bénéficiaire vous demande un montant élevé, pourrait vous forcer à vendre votre maison. Ce n’est probablement pas le dénouement que vous aviez en tête en faisant rénover votre cuisine de fond en comble! Si elle vous semble abusive, vous pouvez choisir de contester cette hypothèque. Vous devez examiner honnêtement la base légale de l’hypothèque pour voir si elle est justifiée. La contestation peut être un processus long, complexe et dispendieux. C’est pourquoi ce n’est pas toujours l’avenue à privilégier.
D’abord, cherchez des conseils juridiques. Consultez un avocat spécialisé dans le domaine des hypothèques légales pour obtenir des conseils sur la façon de la contester et les options qui s’offrent à vous. Une fois que vous avez des preuves solides pour soutenir votre contestation, déposez une demande d’annulation auprès d’un tribunal. Il se peut que vous deviez répondre à certaines questions et participer à une audience. Par après, il vous restera à attendre la décision du tribunal. Si votre demande est acceptée, l’hypothèque légale sera annulée. Si votre demande est rejetée, vous devrez décider si vous voulez porter l’affaire en appel. Vous pourrez aussi envisager d’autres options pour régler la situation.
Obtenir une radiation temporaire
Puisque les délais sont souvent longs pour obtenir un jugement, le Code civil vous permet d’obtenir la radiation temporaire de l’hypothèque légale en attendant la décision du juge. Il y a toutefois une condition: la remplacer par une autre sûreté. Pour bénéficier de cette radiation, vous devez démontrer que l’hypothèque légale vous cause un préjudice. Par exemple, montrez qu’elle vous empêche de vendre votre maison. Les autres formes de garantie acceptable incluent le dépôt en fidéicommis, la consignation au greffe et la lettre de garantie bancaire. La garantie doit couvrir le montant de la créance en capital, les intérêts pendant une période raisonnable ainsi que les frais.
Et si vous voulez enregistrer une hypothèque légale?
C’est vous qui avez posé la céramique du couple insatisfait? Vous estimez avoir été lésé par des propriétaires qui ne vous ont pas payé pour vos travaux, prétextant que la piètre qualité de l’exécution? La première étape est d’inscrire un avis de conservation de l’hypothèque au Bureau de la publicité des droits dans un délai de 30 jours après la fin des travaux. Cet avis doit être signifié au propriétaire de l’immeuble.
Les sous-traitants doivent faire précéder cette étape d’une dénonciation du contrat par écrit au propriétaire de l’immeuble. Cette dénonciation doit inclure une description de l’immeuble visé, le nom du cocontractant, la nature du contrat, la valeur du contrat, ainsi que votre intention de vous prévaloir de l’hypothèque légale en cas de non-paiement.
La deuxième étape est d’inscrire un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire dans les six mois de la fin des travaux et le signaler au propriétaire. En réalité, vous lui dites que vous exercerez votre recours devant les tribunaux si vous n’avez pas reçu le paiement intégral dans un délai de 60 jours.
La troisième étape se passe devant un tribunal. Pour récupérer votre dû, vous pouvez y demander la saisie de l’immeuble comme paiement. Les autres options incluent la vente sous contrôle de justice, la vente par le créancier ou la prise de possession à des fins d’administration.
La fin de l’hypothèque légale
Lorsque le détenteur de l’hypothèque publiée n’exerce pas son droit contre l’immeuble dans les six mois suivant la fin de tous les travaux, il perd son recours. À moins d’un préavis, il ne peut plus exercer son droit et l’hypothèque publiée sera radiée sur simple demande de la part du propriétaire visé. Pour que l’hypothèque légale se poursuive au-delà de six mois, le détenteur doit faire publier un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire. Il a aussi l’obligation de le signifier au propriétaire avant la publication.
Pour plusieurs, acheter une maison neuve signifie qu’ils n’auront aucun problème. Bien sûr, c’est tout neuf! Mais c’est sans compter l’épée de Damoclès que sont les hypothèques légales. Certains entrepreneurs sans scrupules omettent de payer leurs sous-traitants, alors que l’acheteur leur a bel et bien versé l’argent. Il devra malheureusement le poursuivre pour le récupérer. La Chambre des notaires appelle à une meilleure réglementation en matière d’hypothèque légale. Elle avertit le public qu’il peut être difficile pour un notaire de vérifier les paiements que l’entrepreneur a fait aux sous-traitants.
FAQ sur l’hypothèque légale
L’hypothèque légale est une dette inscrite dans un registre. Elle passe avant toute autre créance que vous avez sur votre propriété. Le détenteur et bénéficiaire de l’hypothèque légale peut être une entreprise de la construction, l’État, votre syndicat de copropriété ou toute autre personne. Ils disposent d’un délai fixe pour faire inscrire une hypothèque légale sur votre propriété et ont l’obligation de vous en aviser.
D’abord, inscrivez un avis de conservation de l’hypothèque au Bureau de la publicité des droits dans un délai de 30 jours après la fin des travaux. Ensuite, inscrivez un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire dans un délai de six mois. Enfin, rendez-vous au tribunal pour récupérer votre dû.
Une fois que l’hypothèque légale est enregistrée, elle devient une charge sur la propriété et est visible pour toute personne effectuant une recherche sur celle-ci. Il est important de noter que l’enregistrement d’une hypothèque légale peut avoir des conséquences financières drastiques pour le propriétaire de la maison, il est donc important de prendre des mesures pour régler la situation avant d’en arriver à cette étape.
Pour lever une hypothèque légale sur une propriété, vous devez obtenir une ordonnance judiciaire pour annuler l’hypothèque légale ou payer toutes les dettes et frais associés à celle-ci. L’hypothèque légale peut aussi être levée sur demande lorsque son détenteur n’exerce pas son droit contre l’immeuble pendant six mois après la fin des travaux.
Pour contester une hypothèque légale, vous devez déposer une demande d’annulation auprès d’un tribunal. Vous aurez besoin de preuves solides pour soutenir votre contestation. On vous recommande de consulter un avocat.