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Six questions à poser pour faire la différence entre une fraude et une occasion d’investissement

    Ça m’a pris à peine quelques secondes à peine de me rendre compte que j’avais affaire à un fraudeur. «Bonjour, est-ce que vous êtes intéressés à investir en Bourse?», commence le télémarketeur, qui s’exprimait en français et dont le numéro provenait du Québec. Jusque là, rien de suspicieux, si ce n’est la sollicitation téléphonique elle-même, mais il s’est démasqué dès la deuxième phrase. « Nos clients font jusqu’à 10% de rendements par semaine en investissant dans des entreprises québécoises comme Métro, Dollarama et Vidéotron. »

    J’ai continué la discussion avec lui afin d’en apprendre plus sur la fraude, sachant que ça me servirait pour écrire un article de mise en garde. Pas seulement contre cette fraude en particulier, mais contre toutes les fraudes liées à l’investissement. Avant de faire affaire avec un conseiller financier, un courtier ou n’importe quel intermédiaire qui vous propose une occasion d’investissement, assurez-vous qu’aucun des drapeaux rouges suivants ne soit présent. Si vous apercevez un seul d’entre eux, prenez vos jambes à votre cou et courrez. Votre argent est durement gagné est bien trop précieux pour risquer de le perdre aux mains de fraudeurs.

    1. Est-ce que les rendements évoqués sont anormalement élevés?

    Avec le rendement de 10% par semaine promis par mon fraudeur, mon investissement de 1000$ deviendrait 142 042$ après un an. Rien de moins! Sur de longues périodes, une majorité des gestionnaires de portefeuilles n’arrivent pas à battre les rendements du marché qui, historiquement, s’élèvent à environ 7% PAR ANNÉE. Bref, quand c’est très beau pour être vrai, c’est probablement pas vrai du tout.

    2. Est-ce que le courtier ou l’institution financière est étrangère?

    Le fraudeur qui m’a appelé l’autre jour disait représenter le courtier Charles Borromé. En lui parlant, j’ai fait une recherche rapide sur Google, et lui ai fait remarquer le «courtier» en question n’avait pas de site Web. Il m’a ensuite assurer que Charles Borromé était une marque d’un courtier du nom de HQ Broker. Une simple recherche sur Google m’a permis de constater que le courtier en question était basé à Hong Kong, mais aussi, que l’Ontario Securities Commission avait émis une alerte à leur égard, et que même le régulateur de Hong Kong, la Hong Kong’s Securities and Futures Commission (SFC), a mis en garde les investisseurs locaux contre ce courtier, qui n’est pas enregistré à Hong Kong.

    Cela dit, tous les courtiers frauduleux ne font pas l’objet d’alertes faciles à trouver sur le Web. Dans les faits, il est difficile de dire si un courtier étranger est légitime ou non dans sa juridiction d’origine, mais une chose est certaine: il est illégal pour un courtier étranger (non-inscrit auprès des régulateurs canadiens) de solliciter des clients canadiens. Ainsi, le simple fait qu’un courtier non inscrit vous sollicite devrait être suffisant pour en conclure qu’il est frauduleux.

    3. Est-ce que le conseiller et l’institution financière sont inscrits auprès des régulateurs canadiens?

    Même si le courtier ou l’intermédiaire qui vous sollicite a un beau site Web incluant une adresse physique au Canada, ça ne veut pas pour autant dire qu’il est légitime. Pour desservir légalement des clients canadiens, un courtier doit être inscrit auprès de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), dont vous pouvez consulter le répertoire. Pour vérifier si un courtier, un robot-conseiller, une firme de gestion de portefeuille ou un conseiller financier est bel et bien inscrit, allez consulter le répertoire des Autorités canadiennes en valeurs mobilières.

    4. Est-ce qu’on me propose d’investir dans le forex ou les options binaires?

    Un peu comme Jordan Belfort dans The Wolf of Wall Street, mon fraudeur téléphonique a évoqué des actions d’entreprises bien connues pour me mettre en confiance. Cela dit, sur le site web du «courtier» pour lequel il disait travailler, on mettait de l’avant le forex. Malgré tout, si on veut vous vendre des options binaires ou du forex, c’est un signe qui ne trompe pas qu’on veut vous enrouler dans la farine. Il n’existe pas à ma connaissance de courtier canadien légitime offrant à ses clients des options binaires, un produit financier surtout associé à des «courtiers» enregistrés dans des juridictions offshore dont le marketing en ligne est souvent très agressif. Bien qu’il existe des courtiers canadiens qui offrent à leurs clients d’investir dans le forex, ou les devises étrangères en français, AUCUN investisseur individuel ne devrait touché à ce marché. À long terme, les rendements sont nuls, puisque les monnaies ne sont pas des actifs qui génèrent de flux de trésorerie; même que la valeur des monnaies tend à fondre avec le temps en raison de l’inflation. Ce marché est essentiellement utile pour les entreprises et les institutions financières qui souhaitent diminuer leur exposition aux risques posés par la fluctuation des différentes devises dans lesquelles elles transigent.

    5. Est-ce que l’URL ou l’adresse courriel fournie correspond vraiment à celle de l’institution financière qu’on prétend représenter?

     

    Vers la fin de l’appel, j’ai demandé à mon fraudeur à quelle adresse je pouvais communiquer avec lui si je décidais finalement de profiter de son offre… Il m’a fourni alors une adresse Hotmail. De toute évidence, il n’était pas très sophistiqué. Cela dit, un fraudeur un peu plus intelligent pourrait se présenter sous un faux nom, et prétendre représenter une institution financière légitime. Aussi, lorsque vient le temps d’ouvrir votre compte ou d’envoyer de la documentation, assurez-vous que l’adresse courriel fournie ou le nom de domaine du site Web correspond à celui de l’institution financière inscrite auprès des régulateurs. Une simple lettre de différence, ou même un trait d’union, peut-être la différence entre le site légitime de l’institution et un clone réalisé par des fraudeurs.

    6. Est-ce que la personne au bout du fil sait de quoi elle parle?

    Si quelqu’un qui prétend être un conseiller financier ou représenter un courtier ne sait pas de quoi il parle, c’est un drapeau rouge à ne pas ignorer. Dans le cas de mon fraudeur, il s’est démasqué deux fois plutôt avec sa deuxième phrase : « Nos clients font jusqu’à 10% de rendements par semaine en investissant dans des entreprises québécoises comme Métro, Dollarama et Vidéotron. » Avez-vous identifié l’erreur? Outre le rendement ridiculement élevé mis de l’avant, il parle d’investir dans Vidéotron. Or, Vidéotron n’est pas une entreprise publique dont on peut acheter des actions, mais une entreprise privée possédée par Quebecor qui, elle, est négociée en Bourse. Impossible, donc, d’acheter des actions de Vidéotron.

    Julien a co-fondé Hardbacon pour aider les Canadiens à prendre de meilleures décisions en matière d’investissement. Depuis, il a levé plus de trois millions de dollars et conclu des partenariats stratégiques avec des institutions financières de partout au pays. Avant de lancer Hardbacon, Julien a partagé sa passion pour les finances personnelles et la Bourse en tant que journaliste économique pour Les Affaires. Il a aussi passé le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) et, au fil des ans, a collaboré à différents médias incluant Radio-Canada, LCN et Urbania.