Le petit guide d’autodéfense contre les rénovictions à l’intention des locataires québécois
Par Maude Gauthier | Publié le 22 août 2023
Dans une société où le nombre de logements n’augmente pas au même rythme que les besoins de la population, de nombreux locataires sont confrontés aux rénovictions. Cette pratique problématique qui consiste à expulser les gens de leur logement afin de mener des rénovations et augmenter le prix du loyer est devenue monnaie courante, laissant souvent les locataires dans le pétrin.
Cependant, dans bien des cas, évincer un locataire pour faire des rénovations contrevient aux règles du Tribunal administratif du logement. Comment vous protéger contre la rénoviction? Dans ce petit guide, nous explorons les différentes facettes de ce phénomène ainsi que les stratégies d’autodéfense que vous pouvez mettre en place pour faire face à cette situation.
Comprendre les rénovictions au Québec
Avant de plonger dans les solutions et les stratégies pour faire face au phénomène de la rénoviction, il est important de comprendre exactement de quoi on parle. Le Regroupement des comités de logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) a comptabilisé un nombre de rénovictions en forte hausse en 2022, atteignant 3 110 cas dans l’ensemble du Québec.
La rénoviction est problématique lorsque les travaux deviennent un prétexte pour se débarrasser des locataires actuels et augmenter les loyers. C’est définitivement un facteur à considérer lorsque vous hésitez entre acheter une maison ou louer un appartement. Quels sont les droits des propriétaires et des locataires?
Ce que dit la loi
Au Québec, les propriétaires utilisent les rénovictions pour contourner les règles strictes de l’augmentation du loyer. Cela crée une situation inéquitable pour les locataires qui se trouvent soudainement confrontés à des augmentations de loyer insoutenables. Mais le Code civil du Québec dispose de diverses dispositions pour protéger les locataires.
Un propriétaire a le droit d’entreprendre des travaux majeurs dans ses logements, mais pas sous n’importe quelles conditions. Les travaux majeurs peuvent servir à entretenir l’immeuble et à améliorer la qualité de vie des occupants. Ils touchent généralement à la structure de l’immeuble ou à des éléments fixes, comme les armoires ou la salle de bain.
Droit au maintien dans les lieux
Les rénovations doivent normalement être faites dans le respect du droit du locataire de rester dans son logement, selon l’article 1936 du Code civil du Québec. Il est important de noter que la loi s’applique à tous les types de logements, qu’il s’agisse d’appartements, de maisons ou de condominiums. Ainsi, tous les locataires bénéficient de cette protection légale.
Certains travaux nécessitent toutefois le départ, temporaire ou permanent, du locataire. Lorsqu’une évacuation du logement de plus d’une semaine est nécessaire, votre propriétaire doit vous envoyer un avis écrit trois mois avant l’évacuation. De plus, à la fin des travaux, il n’a pas le droit d’augmenter votre loyer. Il pourra seulement le faire à la fin du bail ou à son renouvellement. Pendant les travaux, vous avez droit à une indemnité. Celle-ci peut couvrir les dépenses comme vos frais de déménagement, l’entreposage de vos meubles et la différence de loyer (entre l’appartement quitté et votre logement temporaire). Vous n’avez pas à payer de loyer au propriétaire pendant l’évacuation. Vous êtes tout de même responsable de payer votre habitation temporaire.
Éviction permanente
Si votre propriétaire veut vous évincer sans vous donner le droit de revenir dans le logement à la fin des travaux, seules quelques situations lui permettent de le faire légalement. Par exemple, la pratique est légale s’il souhaite subdiviser, démolir ou agrandir le logement. On parle ici de transformer un 8 1/2 pièces en deux logements distincts ou transformer un duplex en maison unifamiliale.
En cas d’abus de la part d’un propriétaire, les locataires ont le droit de contester l’expulsion devant le TAL. Le tribunal pourrait ordonner au propriétaire de fournir un autre logement équivalent ou de verser une indemnisation au locataire. C’est aussi ce tribunal qui applique les règles concernant tout ce qui touche la location immobilière, notamment les cessions de bail, la hausse des loyers, etc.
Comment réagir à un avis d’évacuation pour des rénovations majeures?
Vous prenez votre courrier et, oh surprise, voilà une lettre de votre propriétaire! Il vous avise que vous devez quitter bientôt pour qu’il puisse réaliser des travaux. Dans les 10 jours de réception de l’avis, vous devez indiquer au propriétaire si vous acceptez d’évacuer le logement ou non. En matière de travaux majeurs, une fois que vous avez accepté, vous êtes tenu de donner accès à votre logement au propriétaire, à son représentant et aux ouvriers le moment venu.
Les conséquences sociales des rénovictions
La rénoviction pose de nombreux problèmes aux locataires québécois. Les personnes touchées se retrouvent souvent à la recherche désespérée d’un nouvel appartement. C’est une situation difficile dans un marché immobilier déjà tendu avec un taux d’inoccupation des logements de 1,7% seulement.
De plus, la rénoviction peut avoir un impact sur la stabilité et la sécurité des locataires. Risquer de se retrouver sans endroit où vivre pendant la durée des travaux et craindre l’augmentation de son loyer peut entraîner beaucoup de stress, d’anxiété et engendrer divers problèmes de santé mentale. En outre, les locataires qui doivent se reloger dans d’autres quartiers et dans des logements moins chers peuvent se retrouver à habiter des bâtiments de moindre qualité. Ils pourraient vivre avec divers problèmes comme des moisissures ou une mauvaise isolation.
Enfin, la rénoviction contribue à la gentrification des quartiers. En expulsant les locataires actuels, souvent des personnes à faible revenu, les propriétaires peuvent ensuite augmenter les loyers et attirer une clientèle plus aisée. Cela entraîne une augmentation des prix des logements dans le quartier. À long terme, ce phénomène contribue à réduire l’accessibilité.
Locataires face à la rénoviction: protégez-vous!
Heureusement, la loi offre une certaine protection aux locataires québécois. Il est essentiel de connaître vos droits afin de pouvoir les faire respecter en cas de besoin. Le Code civil du Québec dispose de diverses dispositions pour garantir que les locataires ne soient pas injustement expulsés de leur logement. Si vous êtes confronté à une rénoviction, vous pouvez prendre certaines mesures pour faire valoir vos droits.
Communication avec votre propriétaire
Tout d’abord, il est essentiel de documenter toutes les communications avec votre propriétaire concernant la rénoviction. Conservez toutes les communications écrites sur papier, par courriel et message texte pour pouvoir prouver la teneur de vos échanges si nécessaire.
La communication ouverte avec votre propriétaire peut être un moyen efficace de résoudre les problèmes liés à la rénoviction. Si une cuisine neuve vous intéresse, par exemple, vous pouvez probablement trouver un terrain d’entente avec votre propriétaire. Discutez notamment de l’indemnité qu’il pourrait vous verser pour votre relocalisation pendant les travaux et du prix du loyer au renouvellement du bail. Essayez d’expliquer votre situation et vos préoccupations. Si possible, proposez des alternatives, comme rester dans le logement pendant les travaux.
Il est important de connaître vos droits en tant que locataire et de les rappeler à votre propriétaire lorsque nécessaire. Par exemple, la loi exige que votre propriétaire vous fournisse un avis qui respecte les délais prescrits et qu’il vous offre une compensation équitable en cas de départ forcé. En connaissant vos droits, vous pouvez renforcer votre position lors des négociations avec votre propriétaire.
Recherche de conseils juridiques
Si vous êtes confronté à une rénoviction et que la communication avec votre propriétaire ne donne pas de résultats satisfaisants, consultez un avocat spécialisé dans le droit du logement. Il pourra vous conseiller sur les mesures légales à prendre et vous représenter dans vos démarches pour protéger vos droits. Il pourra examiner votre cas en détail, vérifier si la rénoviction est légale et vous aider à préparer une défense solide.
Un professionnel du droit peut également vous aider à déposer une plainte auprès des autorités compétentes si vous estimez que vos droits ont été violés. Par exemple, si vous avez été évincé, vous avez jusqu’à trois ans après les faits pour vérifier la légalité de l’éviction. Que faire si vous réalisez que votre propriétaire n’a pas fait l’agrandissement qui était prévu, par exemple? Vous pouvez demander un dédommagement auprès du TAL pour le préjudice subi en perdant votre logement pour de faux motifs.
Mobilisation communautaire et soutien des pairs
Enfin, n’oubliez pas que la mobilisation communautaire et le soutien des pairs peuvent également être des ressources précieuses dans votre lutte contre la rénoviction. Rejoindre des groupes de locataires ou des associations de défense des droits peut vous aider à obtenir des conseils et à faire pression pour des changements législatifs. Ces groupes fournissent des ressources, des conseils et un soutien moral tout au long de votre combat contre la rénoviction. Ils peuvent également vous aider à sensibiliser l’opinion publique et à faire pression sur les décideurs politiques pour qu’ils prennent des mesures contre cette pratique abusive.
En participant à des manifestations et en partageant votre histoire avec d’autres personnes qui ont vécu des situations similaires, vous aiderez aussi la population à mieux comprendre le phénomène. En vous unissant aux autres, vous pouvez renforcer votre voix et demander un changement plus important dans la législation.
La rénoviction est un problème croissant au Québec. Cependant, en vous armant de connaissances, en communiquant adéquatement avec votre propriétaire, en recherchant des conseils juridiques et en vous engageant dans la mobilisation communautaire, vous pouvez renforcer votre position et défendre vos droits en tant que locataire. N’oubliez pas que vous n’êtes pas seul dans cette lutte et que votre voix compte.
Ressources supplémentaires pour les locataires québécois
Pour obtenir davantage d’informations et de soutien dans votre lutte contre la rénoviction, voici quelques ressources supplémentaires auxquelles vous pouvez vous référer. Pour commencer, vous pouvez vous documenter sur le site d’Éducaloi (Petit guide du logement) ou du TAL. Il est essentiel de prendre le temps de lire toutes les informations et de vous familiariser avec les procédures légales afin de pouvoir agir de manière informée et efficace dans votre lutte contre la rénoviction. De plus, c’est peut-être un sinistre qui causera la nécessité de travaux majeurs dans votre logement. Puisqu’il vaut mieux prévenir que guérir, n’oubliez pas de trouver une assurance locataire appropriée.
Organismes d’aide aux locataires
Des organismes tels que le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) offrent des conseils, des ressources et un soutien aux locataires qui sont confrontés à des problèmes de logement, y compris la rénoviction. Ces organismes ont une connaissance approfondie des lois et des réglementations en matière de logement au Québec. Ils peuvent vous aider à comprendre vos droits en tant que locataire et à prendre les mesures appropriées pour faire face à la rénoviction. En plus de fournir des conseils juridiques, ils offrent également un soutien émotionnel aux locataires qui se trouvent dans des situations difficiles. Ils comprennent les défis auxquels vous pouvez être confronté et sont là pour vous soutenir tout au long du processus.
Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) regroupe les coordonnées de tous les comités de logement des régions du Québec. Il mène aussi des campagnes de sensibilisation à Québec et à Ottawa. Vous pouvez les rejoindre si vous comptez militer pour la cause ou simplement pour vous informer.
Si vous êtes sur le point de perdre votre appartement et craignez de vous retrouver sans logis, votre office municipal d’habitation (OMH) peut vous aider. Les OMH gèrent des habitations à loyer modique (HLM) destinés aux ménages à faible revenu ou aux personnes âgées. Dans ces habitations, les loyers sont établis à 25% de votre revenu.
Mettre fin aux rénovictions
La rénoviction est un problème croissant au Québec, mais n’oubliez pas que vous n’êtes pas seul dans cette lutte. Il y a des ressources et des personnes prêtes à vous aider. Restez fort et persévérez pour trouver des moyens de vous défendre en tant que locataire. Il est essentiel de connaître vos droits, de communiquer avec votre propriétaire et de rechercher du soutien juridique si nécessaire. En vous engageant dans des actions communautaires et en partageant vos expériences, vous pourrez faire en sorte que chaque locataire québécois vive dans un logement sûr et abordable, sans craindre de subir une rénoviction.
FAQ sur les rénovictions
Non, une rénoviction n’est pas légale. On parle ici d’évincer un locataire dans le but de faire des travaux et d’augmenter le prix du loyer. En somme, si vous êtes relocalisé pendant les travaux, vous avez droit à une indemnité et à retrouver votre logement au même prix (jusqu’à la fin du bail) lorsqu’ils seront finis. Cela dit, un propriétaire a le doit de faire des travaux dans ses logements sous certaines conditions. Il doit cependant suivre les règles du Tribunal administratif du logement.
Si vous êtes personnellement concerné, tournez-vous vers votre association locale pour une aide gratuite et du soutien moral. Le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) ou le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) vous aideront à trouver les bonnes coordonnées. Vous pouvez également solliciter l’aide d’un avocat. Si c’est le phénomène des rénovictions qui vous choque, mais que vous n’êtes pas personnellement menacé d’éviction, vous pouvez vous impliquer auprès de ces mêmes organismes, signer des pétitions et participer à des manifestations pour la cause.
Une rénoviction survient lorsqu’il y a éviction sous prétexte de travaux de rénovation. Typiquement, un propriétaire demande à son locataire de quitter son logement pour y faire des rénovations, dans l’espoir que le locataire ne revienne pas et qu’il puisse augmenter drastiquement le loyer perçu ou revendre l’immeuble à un prix intéressant. Au Québec, il est illégal d’exiger qu’un locataire quitte son appartement pour la simple raison d’effectuer des travaux.