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Les courbes de Laferrière, à quoi ça sert?

Par Maude Gauthier | Publié le 21 août 2023

courbe de lafferiere

    Songez-vous à accepter un emploi comme serveur dans un resto cet été? Par bonté d’âme, pour les généreux pourboires ou simplement pour socialiser après trop de temps passé seul? Avez-vous pensé aux impacts potentiels de cette augmentation de revenus? Les courbes de Claude Laferrière, du Centre québécois de formation en fiscalité (CQFF), sont l’outil tout indiqué pour répondre à cette question. Elles permettent de calculer les taux effectifs marginaux d’imposition (TEMI). Ces taux permettent de connaître les sommes qui retournent (ou restent) réellement dans les coffres du gouvernement sur tout revenu supplémentaire gagné au cours d’une année d’imposition.

    Ce qui est représenté dans les courbes de Laferrière

    De manière générale, plus nos revenus augmentent, plus on paye d’impôt sur ceux-ci. Et cela nous semble sensé. En même temps qu’on paye nos impôts, on peut aussi être dans une situation où on a droit à certaines mesures fiscales et sociales. Nous sommes nombreux à être à la fois contribuables et prestataires. Les courbes de Laferrière illustrent les importantes variations du TEMI dont on pourrait être victime à notre insu. Elles permettent de visualiser la proportion récupérée par l’État sur tout dollar additionnel gagné.

    Allant plus loin que les tables d’imposition des gouvernements, les courbes de Laferrière y intègrent les mesures socio-fiscales. On parle ici de mesures comme le crédit d’impôt à la solidarité, le crédit de TPS, l’allocation canadienne pour enfants et le supplément de revenus garantis (pour les personnes âgées).

    Trouvez votre situation personnelle parmi 42 scénarios

    Il existe un nombre incalculable de scénarios, mais l’équipe de Laferrière s’est limitée à 42. Juste ça! Certaines personnes sont à la retraite alors que d’autres sont actives sur le marché du travail. Les couples peuvent vivre sur un ou deux revenus. Ils peuvent avoir un, deux ou 12 enfants comme la famille Groulx. Bref, la liste pourrait continuer longtemps.

    Chaque scénario contient deux courbes. L’une qui suit l’évolution des taux marginaux basés sur les seules tables d’impôt sur le revenu. Elle ne tient compte que des paliers de revenu imposable du Québec et du fédéral, sans déduction et sans crédit. L’autre illustre le calcul de l’équipe de Laferrière (TEMI), qui tient compte de ce qu’il y a à payer en plus et à recevoir en moins (ou vice versa). En somme, les courbes permettent de visualiser si, en acceptant une promotion qui vous donnera 4 000 $ de plus cette année, vous serez imposé à 50% ou à 80% sur ce revenu supplémentaire.

    Les courbes de Laferrière vous permettent donc de choisir entre 42 scénarios celui qui se rapproche le plus du vôtre. L’objectif? Déterminer si vous travaillerez au resto cet été, en complément de votre emploi habituel. Prenons un exemple très typique d’un couple avec deux revenus, deux enfants et des frais de garde de 6 825 $. Ils feraient mieux de passer directement de 100 000 $ à 105 000 $ avec une promotion, que d’accepter du temps supplémentaire pour 2 000 $.

    Les courbes montrent par ailleurs que les victimes des TEMI élevés sont souvent les familles! En général, les augmentations sont aussi plus dommageables quand on se situe dans les revenus moins élevés.

    Exemple

    Je reprends ici l’exemple donné par l’équipe de Laferrière. Elle a simulé la situation de trois ménages : une personne vivant seule, un ménage monoparental et un couple avec deux revenus. La simulation consiste à calculer ce qui arrive lorsqu’ils passent d’un revenu de 35 000 $ à 70 000 $, avec un détail par tranches de 5 000 $. Grosse promotion!

    La personne seule et sans enfant suit une courbe de croissance régulière au fil de l’augmentation de ses revenus. Son TEMI reste inférieur à 50%. Au final, une augmentation de 35 000 $ l’enrichit d’un montant net d’environ 19 900 $.

    La famille monoparentale et le couple, tous deux avec deux enfants chacun, sont plus durement touchés. Par exemple, la famille monoparentale ne conserverait que 1 602 $ sur une première tranche d’augmentation de revenu de 5 000 $. Au final, il ne resterait, sur leurs 35 000 $ d’augmentation, que 12 600 $, autant pour le ménage solo que le couple.

    Travailleurs autonomes et entrepreneurs, soyez tout de même avertis que le revenu autonome qu’on voit sur les graphiques désignent un revenu d’emploi. Le document explicatif fourni sur le site du CQFF détaille les hypothèses sur lesquelles l’équipe s’est fondée pour élaborer les courbes.

    Avez-vous le goût de travailler au resto cet été si le 5 000 $ que vous ferez en plus sera imposé à 80%? Utilisez la courbe qui correspond à votre situation pour savoir si vous devriez accepter ce sideline, une promotion ou des heures supplémentaires. Et si oui, à partir de quel salaire ça en vaut le coup.

    Maude Gauthier est journaliste pour Hardbacon. Depuis qu’elle a terminé son Ph.D. en communication à l’Université de Montréal, elle écrit sur la finance, les assurances et les cartes de crédit pour des entreprises comme les Fonds FMOQ et Code F. Utilisatrice responsable de cartes de crédit, elle peut passer des heures à lire les petits caractères pour bien comprendre leurs avantages. À cause de leur simplicité, elle a développé une préférence pour les cartes avec remises en argent. Après avoir subi des hausses salées avec son ancien assureur, elle peut maintenant affirmer fièrement avoir économisé des centaines de dollars en magasinant ses assurances auto et habitation. Dans ses temps libres, elle lit une multitude de romans et profite du streaming de quelques émissions populaires (et possiblement moins populaires, comme les documentaires animaliers).